La
Non-demande d'agrégation
Dans le monde
merveilleux de l’éducation nationale, il est possible de devenir prof
« agrégé » (une espèce supérieure, plus diplômée, payée plus et
devant assurer moins de cours) de trois façons:
1 - le concours externe, ouvert à tous les diplômés bac + 5 (+ 4
auparavant) qui vérifie par le menu vos compétences universitaires,
lesquelles ont déjà, auparavant, été vérifiées par votre université avant
de vous délivrer votre diplôme. (« toi qui entres ici, abandonne
toute logique! »)
2 - le concours interne, réservé à ceux qui sont déjà profs
« certifiés », qui ont leur diplôme a bac + 5 et ont résisté,
pendant quelques années, à l’enseignement. On y vérifie leur compétence
disciplinaire (on ne sait jamais, peut être ont ils tout oublié!) et leur
façon d’utiliser un « dossier » de documents pour construire des
« zaktivités » en respectant le dogme pédagogique en vigueur.
Pour le fun, j’ai décidé de tenter, chaque année, le concours interne.
Sans réviser comme un tâcheron (révise-t’on avant de faire ses cours, mmmm
?) C’est trop marrant.
3 - L’admission sur dossier. Là, on ne vérifie rien. Vous êtes censé
présenter, après quelques années d’enseignement, par une belle lettre,
pourquoi vous méritez amplement d’être agrégé. Cette voie des plus
« particulière » semble taillée sur mesure pour les protégé(e)s
du ministère ou du/des syndicats, les « célébrités » à l’échine
souple où les « personnages » les plus
« remarquables » de par leur obédience et leur enthousiasme
envers les modes pédagogiques du moment.
Comme mon cas est un peu particulier (diplômé bac + 7, mais qui, comme
TOUS les diplômes universitaires, n’est pas reconnu par l’éducation
nationale, ce qui en dit long sur le respect de l’Université dans notre
pays, et réfractaire aux modes pédagogiques issues des pseudosciences de
l’éducation), je me suis dit qu’il fallait absolument que je demande
"furieusement" à faire reconnaitre mes mérites (éminents, bien entendus).
Ne serait-ce pour qu’on ne puisse jamais me reprocher de ne pas l’avoir
fait. J’ai alors eu l’idée de rédiger ma « lettre de
candidature » d’une façon quelque peu particulière, qui fasse
comprendre à quel point j’apprécie cette porte de sortie. Bien que n’ayant
pas le talent de feu Brassens, sa « non-demande en mariage »,
m’a inspiré, ainsi que mes lectures. Je me suis conformé « à la
lettre » aux zinstructions zofficielles, et j’ai rédigé la lettre
suivante.
Bien entendu, je n’ai pas été accepté.
26 Janvier 2014
Lettre de motivation
pour l’obtention du grade de l’agrégation
par Roger Raynal , Dr de l’université de Toulouse, professeur certifié
afin de présenter « une réflexion sur sa carrière écoulée »
et mettre « en évidence les compétences acquises, les aptitudes
et les aspirations qui justifient sa demande de promotion ».
« L'enfant imprévoyant, tout au plaisir des lèvres,
Avale jusqu'au bout le
très amer remède :
Dupé, mais pour son
bien, il guérit peu à peu...
Ainsi fais-je à
présent. Je sais notre doctrine
Trop triste pour celui
qui ne fait qu'y goûter;
La
foule horrifiée la fuit. C'est pourquoi, moi
Je vais te l'exposer dans la
langue des Muses,
Comme tout imprégnée du doux
miel poétique.
J'ai voulu par mon chant
séduire ton esprit,
Le temps qu'il ait compris le seul remède
utile :
Connaître entièrement la
nature des choses ! »
Lucrèce, de
rerum natura
Quels
sont de l’impétrant, qui devant vous s’avance,
Sollicitant vos
avis, les redoutant par avance,
Les ressorts les
plus secrets, les vraies motivations,
Les compétences
acquises, aptitudes et aspirations
Justifiant cette
demande de promotion ?
Voici longtemps
que, reconnu docte par mes pairs,
Je ne rougis donc
point d’être universitaire,
D’être de ceux qui
disent transmettre des connaissances
Tout en voulant
montrer les démarches des sciences.
Nonobstant la
routine des heures d’enseignement,
J’ai aussi publié
nombre d’articles, bénévolement
Car, selon mon
coeur, je l’avoue, je soutiens
Qu’un professeur
est plus qu’un simple technicien,
Qu’un exécutant
zélé au service de pédantes cuisines,
Il doit être et
rester un maître dans sa discipline
Elle le définit,
elle est son univers, sa cité
Où son esprit se
meut avec agilité.
En connaitre
l’histoire est pour moi indispensable
Car les erreurs du
passé, les théories admirables
Mises à mal par
expériences, logiques et techniques
Sont pour le
professeur vrai guide pédagogique.
D’aucuns disent
découvrir que "les élèves ont changé"
Les professeurs
aussi, Héraclite, déjà, le savait.
Créateur de
ressources, rédacteurs de contenus,
Professeur
numérique, concepteur d’un site tôt venu*
Dès l’aurore du
web, afin, de tout élève, y être visible
J’ai numérisé tous
mes cours, les rendant accessibles.
Pour palier au
déficit de supports gratuits et efficaces
J’ai créé, de SVT,
trois e-manuels au ton pugnace
Plus de vingt mille
fois chacun téléchargés,
De Montréal à
Hô-Chi-Minh-Ville utilisés
Et, de Dunkerque à
Tamanrasset, appréciés.
Afin que tous, aux
documents fondateurs, puissent avoir accès,
J’ai traduit et
publié gratuitement, pour la première fois,
La préface et les
articles importants de la Micrographia.
Continuant
d’explorer les fondations de notre discipline
J’ai traduit les
cinq volumes de la Zoologie de Darwin;
Et s’il faut se
former aux avancées parmi les plus actuelles,
J’ai validé seize
cours des universités les plus exceptionnelles.
Mais laissons là
cet étalage, digne d’Ozymondias
Et osons maintenant
ce que l’on ne dit pas
Car celui qui
demande aujourd’hui a sortir du troupeau
Ne doit pas pour
autant se comporter en agneau
Le pouvoir n’est
pas la volonté d’en user
Le savoir n’est pas
disponible au robinet
Un psittacisme
wikipédien pourra faire illusion
Si l’on se
satisfait de formes, sans réfléchir au fond.
Si, comme le nageur
qui se pâme dans l’onde
Le professeur
arrête de réfléchir dans l’ombre
la routine
l’engloutit, gouffre aux aspects funèbres
Et, tout comme les
coursiers de l’antique Erèbe
Il risque, disait
Baudelaire, au servage d’incliner sa fierté
Car sa gloire est
de toujours, au service des élèves, travailler.
Mais s’il fallait
se faire nommer pape par ces conciles
Que dans des IUFM
tenaient des imbéciles,
Non, merci !
Travailler à se construire un nom
Sur des « projets
», au lieu que d’enseigner ?
Non,
Merci ! Ne découvrir du talent qu’aux bonimenteurs ?
Être terrorisé par
de pédants auteurs,
Et se dire sans cesse : « Oh ! pourvu que je sois
Dans les petits papiers des Pédagogues François » ?...
Non, merci !
Calculer, avoir peur, sans humour,
Préférer faire un long stage qu’un cours,
Rédiger des rapports, bien se faire mousser ?
Non, merci ! non,
merci ! non, merci ! Mais... enseigner,
Rêver, rire,
partager, être prof, mettre son cours au point,
Avoir l’œil qui regarde bien, la voix qui porte loin,
Mettre, quand il vous plaît, l’histoire des sciences,
Au service des notions, assurant leur cohérence
Travailler sans
souci de gloire ou de fortune,
À quelques manuels, tous gratuits, sur Itune !
Voilà
Justice, équité,
respect, humanisme
Des mots vides de
sens pour le pédagogisme
Pour ceux qui, par
une âme à l’intérêt soumise
Ont fait de
pédagogie métier et marchandise
Mais comme vous
n’êtes pas de cette engeance
Vous ferez, j’ose
espérer, bon accueil à mes doléances
Roger. Raynal
Pr. de SVT
Et merci aux géants dont j’ai utilisé
les épaules…
* www.exobiologie.info