La Terre primitive, un monde étrange...
Mis à jour en novembre 2008



Le grand bombardement
297-EarlyEarth
Il y a 5 milliards d'années, les planètes se sont formées et sont en train de se refroidir.


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Don Dixon, artiste spécialisé dans le "space art", imagine ainsi la Terre primitive.

Les planètes telluriques, chauffées sous le triple effet de leur contraction gravitationnelle, de la désintégration de leurs éléments radioactifs et des impacts de météorites, voient leurs éléments les plus lourds se rassembler pour former rapidement (quelques dizaines de millions d'années) un noyau, surmonté d'un manteau fluide et d'une croûte en cour de solidification, entourée d'une atmosphère principalement composée de dioxyde de carbone et d'un peu d'azote, atmosphère sans doute très épaisse (Allégre, 1994) et plus riche en hydrogène que l'on ne l'aurait cru.

Jusqu'à 3,9 milliards d'années, les collisions dans le système solaire étaient extrêmement fréquentes (Bendjoya, 1998). L'une d'elles, il y a 4,5 milliards d'années, avec un corps de la taille de Mars, a été si violente qu'une grande partie de l'enveloppe externe de la Terre a été arrachée, s'est satellisé et a formé la Lune. A cette occasion,
notre planète a perdu sa première atmosphère et ses océans éventuels, se trouvant recouverte d'un océan de Magma d'un millier de km de profondeur (Righter & al., 1997). Ces impacts géants vont avoir des conséquences sur l'atmosphère qui va se former: le coeur de fer de notre planète va se former très rapidement, en moins de 30 millions d'années (Yin et al. 2002), il ne percolera pas à partir du manteau, ce qui influera sur la composition chimique de ce dernier et les gaz qui vont d'en échapper, lesquels ne seront pas aussi réducteurs que le croyait les premiers chercheurs, comme Urey.



earlyearth
Entre 4 et 3,85 milliards d'années, la Terre a subi 20 fois plus d'impacts que la lune (Zahnle & al., 1997). Malgré l'atmosphère, 10 à 20 de ces impacts ont dû creuser des bassins de plus de 2000 km de diamètre et ont dégagé assez d'énergie pour vaporiser toute l'eau de la planète.

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La Lune proche illumine les premiers océans pendant que l'atmosphère est traversée de fréquentes trainées de météorites dont la plupart sont de taille millimétrique.

Il est toutefois possible, comme le signale G. Ryder (2003) que la chronologie des impacts majeurs, fondés sur l'analyse et la datation des structures lunaires, soit en réalité très floue et que ces impacts cataclysmiques, stérilisateurs, aient eu lieu il y a plus de 4 milliards d'années, laissant à la vie un milieu agité certes, mais moins délétère que celui couramment envisagé (pendant les derniers 600 millions d'années, 1500 astéroïdes de plus d'un km de diamètre ont frappé la Terre, dont 200 sur les continents: certain ont provoqué des extinctions, mais aucun n'a détruit toutes les formes de vies qui ont évolué dans cet intervalle...). Toutefois, il semble bien que l'on doive conclure que la vie apparaît sur Terre dès que cessent les bombardements les plus importants (ceux impliquant des corps de plusieurs centaines de km de diamètre).


il apparaît de plus en plus nettement que l’on ne peut plus négliger l’apport de matériaux extraterrestres à l’époque de l’origine de la vie. En effet, les apports de carbone, azote et phosphore, juste après l’époque du “grand bombardement”, on pu donner le top départ de la vie sur Terre. Ainsi, M. Pasek & al. (2008) proposent, après étude des flux de ces matériaux et de leurs interactions avec l’atmosphère, que le flux constant de poussière interplanétaire ait constitué un apport important, stable et varié de matière organique. L’apport réalisé par les chondrites carbonées n’étant pas une source majeure de ces molécules.
La terre primitive aurait connu des taux importants de matériel extraterrestre, en particulier de phosphates très réactifs, libérés à la surface sous forme de phosphides, bien plus solubles et réactifs que les orthophosphates précédemment envisagés (Pasek MA, 2008), et permettant la réalisation de nouvelles voies de synthèses, bien plus probables, des molécules organiques phosphatées. Ces composés phosphatés réduits proviennent de l’oxydation de la Schreibersite dans les roches d’origine extraterrestre (météorites, mais aussi et surtout poussières) il y a 3,8 milliards d’années. L’oxydation dans l’eau de ce minéral conduit à un ensemble de ressources en P mobilisable pour des synthèses prébiotiques (phosphite, pyrophosphates, triphosphates et phosphonates). Les phosphites sont caractéristiques, car, plus solubles que les orthophosphates, elles forment des molécules organiques phosphatées ainsi que des pyrophosphates (encore utilisés comme source de P par certaines bactéries). Dans cette optique, la capacité actuelle des organismes à utiliser des P minéraux réduits et à métaboliser les molécules organiques phosphatées peut être un reliquat d’une époque ou la géochimie de ces phosphates réduits était bien plus développée.

Les impacts massifs auraient, quant à eux, permis un enrichissement local en molécules prébiotiques, amorçant ainsi, en plusieurs endroits, les processus conduisant à des formes de vie.




Soleil et Lune
L'absence d'oxygène, donc d'ozone, expose les gaz de l'atmosphère et la surface de la planète au rayonnement UV solaire (absorbé par 10 m d'eau environ),
bien que notre étoile soit alors au minimum de sa luminosité (30% inférieure à l'actuelle).
Cette situation n'est pas sans poser problème: notre planète aurait dû être recouverte de glace, ce qui implique l'existence d'un très fort effet de serre pour maintenir une température élevée (à moins que la vie ne soit apparue sur une terre ressemblant à une boule de neige, ce qui est effectivement arrivé bien plus tard dans l'histoire de notre planète - Bodiselitsch & al., 2005), attestée par la présence d'eau liquide qui a laissé sa marque dans les roches de cette lointaine époque.

La Lune, 3 fois plus proche de la Terre et plus inclinée sur l'écliptique qu'actuellement, provoque des marées de forte amplitude (10 fois le niveau actuel), et ce, d'autant plus fréquemment que la rotation de notre planète ne dure que 12h seulement! Les pluies sont très acidifiées par le CO2 atmosphérique et attaquent les silicates, amenant ainsi de nombreux ions en solution dans une eau très chaude...

L'atmosphère
venus
Les modèles décrivant la première atmosphère de la Terre oscillent entre une composition réductrice à 1 bar et une atmosphère neutre à 10 bars de CO2.
Les atmosphères neutres sont considérées comme les plus probables, car il existe sur Terre des traces de la présence massive de CO2 dans le passé: les roches carbonatées (équivalentes à une P = 60 bars) et, dans le système solaire, sur Venus où PCO2 = 90 bar. Toutefois, une atmosphère neutre ne favorise pas, loin s’en faut, la synthèse de molécules organiques: elle est 1000 fois moins “biogénique” qu’une atmosphère réductrice...
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- Vue de l'espace, notre planète devait ressembler, dans sa jeunesse, à l'actuelle Venus.

En analysant grâce au synchrotron de l'ESRF des inclusions d'eau de mer dans des cristaux de quartz figés dans les laves en coussin datant de l'Archéen, âgées de 3,5 Gy, une équipe de chercheurs (J. Foriel, P. Philippot, P. Rey, A. Somogyi, D. Banks, B. Ménez, Earth Planet. Sci. Lett.,2005) a mis en évidence une faible concentration en sulfates (de 0 à 8 mM/L contre 28 mM/L actuellement) qui est interprétée à la fois comme un indice supplémentaire de la faible quantité d'oxygène présente à cette époque dans l'atmosphère (le SO2 des volcans n'étant pas oxydé en SO4 par O2, mais par la vapeur d'eau) et comme un mécanisme possible ayant fournit aux premiers organismes du pouvoir oxydant pour leur métabolisme (leur permettant ainsi d'oxyder les éléments présents dans les fluides hydrothermaux, comme H2S et CH4, dans l'hypothèse de premières formes de vies hyperthermophiles).

Au fur et à mesure que H est converti en He dans le coeur solaire, la luminosité solaire augmente. Ce changement est de 0,25 ± 0,1 (on notera l'importance de la marge d'erreur). On calcule alors que la
température terrestre devait être inférieure à 0°C il y a plus d’un milliard d’années, ce qui ne correspond pas aux preuves géologiques de l’existence de vastes océans liquides sur Terre, et même bien plus loin du soleil, sur Mars, à la même époque. C'est ce que l'on appelle le "paradoxe du soleil faible" (The Early Faint Sun Paradox: Organic Shielding of Ultraviolet-Labile Greenhouse Gases - Sagan C & Chyba C - Science. 276 - 23 mai 1997).

L’effet de serre a donc dû être bien plus intense qu’actuellement pour réchauffer notre Planète (à moins que les planètes telluriques aient migré depuis l’intérieur du système solaire vers leur position actuelle, que le soleil ait perdu de sa masse ou que l’albédo de la Terre ait énormément évolué). Il y a 4 Gy, le jour durait 14 h et l'irradiation UV était 3 fois supérieure à son niveau actuel . Toutefois, la présence d’une faible quantité d’ammoniac dans l’atmosphère primitive suffirait à provoquer un effet de serre suffisant pour réchauffer la Terre (Sagan & al., 1997)
Comme NH3 est très soluble dans l’eau, il doit être produit en permanence (pour une quantité variant entre 1/10000 et un millionième seulement de l'atmosphère primitive). Le métabolisme de NH4, existant chez tous les êtres vivants, serait une trace de cette ancienne présence atmosphérique.
Les UV solaires (230 nm) dégradent NH3 en N2, donc d' autres gaz sont apparemment nécessaires à un effet de serre intense. Le CO2 est un candidat plausible, mais Rye et al. (R. Rye, P. H. Kuo, H. D. Holland, Nature 378) concluent de l’absence de sidérites dans les paléosols que la pression en CO2 il y a 2,5 milliards d'années était < 0,1 bar (ce qui peut aussi simplement signifier que ce gaz, originellement abondant, a vu sa quantité décroitre très rapidement dans l'atmosphère, précipitant sous forme de carbonates solides... mais si le CO2 est caractéristique des planètes telluriques jeunes, comme semble le montrer Vénus, où sont les carbonates martiens ?)

Il se pourrait que le NH3 n'ait pas été détruit aussi facilement que prévu: sa photodissociation se produit à plus basse altitude que celle du méthane CH4 (UV< 145 nm de longueur d'onde). Il est possible qu'une protection anti UV ait été constituée par une brume organique résultant de réactions entre N2 et CH4 ( et aboutissant à de composés à 2 C - le modèle de ces brumes étant Titan.). Un approvisionnement régulier en NH3 est possible par recyclage tectonique, éclairs et synthèse chimique au sol entre NO et TiO2.

La source de méthane aurait pu être organique, car les bactéries étaient largement répandues à cette époque (3,5 Gy) donc la vie a, dès son origine, bouleversé le milieu terrestre. Toutefois, ce scénario n'est valable qu'après l'apparition de la vie, et ne résout donc pas le problème de la labilité d'une atmosphère réductrice : il faut pour cela soit que le méthane originel ait eu une origine purement minérale (ce qui est tout à fait possible) soit que les bactéries méthanogènes soient venues... d'ailleurs... (Ce qui ne fait que déplacer le problème).

Retenons plutôt la présence une atmosphère azotée comportant des quantités mineures de CH4 et CO2 peut se révéler UV protectrice si le rapport CH4/CO2 > 1 (+ de CH4, ou autant, que de CO2)