Psammomys Obesus

un modèle animal de diabète non insulino-dépendant

Psammomys obesus, an animal model of non insulin-dependent diabetes mellitus

 


Dernière mise à jour: 07/11/1999

 

l'IAPP - l'insuline - le C-peptide - diabète & apoptose - traitements

Les abstracts des références soulignées sont directement accessibles

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SOMMAIRE

 

Une gerbille originaire d'un milieu désertique sec

Un diabète NID induit par un régime alimentaire hypercalorique

Un métabolisme profondément modifié par l'état diabétique

Une gerbille originaire d'un milieu désertique sec

Dans son milieu naturel, les régions semi-désertiques du nord de l'Afrique, cette gerbille se nourrit de chenopodiacées halophiles pauvres en calories.

Les gerbillidaes sont une famille ou l'on trouve des animaux vivants dans des biotopes souvent comparables (régions semi-arides):

Gerbillus amoenus (Charming dipodil)

Gerbillus cheesmani (Cheesmans gerbil)

Gerbillus gerbillus (Smaller Egyptian gerbil)

Gerbillus perpallidus (Pallid gerbil)

Gerbillus pyramidum (Greater Egyptian gerbil)

Gerbillus sp. (two Tunesian species)

Meriones crassus ssp. (Sundevall's jird from Pakistan)

Meriones crassus perpallidus (Sundevall's jird from Egypt)

Sekeetamys calurus (Bushy-tailed jird)

Meriones libycus (Libyan jird)

Meriones persicus (Persian jird)

Meriones shawi shawi (Shaw's jird)

Meriones unguiculatus (Mongolian jird - autre modèle de DNID)

Pachyuromys duprasi (Fat-tailed gerbil)

Psammomys obesus (Sand rat)

Psammomys obesus tunesien (Sand rat)

Psammomys vexillaris (Sand rat)

Tatera indica (Indian gerbil)

 

Les gerbilles, outre leur intérêt dans l'étude du diabète, sont également utilisées pour l'étude des conséquences de l'ischémie cérébrale (cf. Lehotsky & al.; Nagata & al.; ainsi que Phillis & al., 1999) ainsi que pour des études portant sur l'audition (Sichel & al. ainsi que Tucci & al., 1999 par exemple).

L'alimentation (salée !) de Psammomys obesus et son adaptation à son biotope ont une grande influence sur sa physiologie (Laraki - 1998): la glycémie et l'insulinémie de cet animal sont sujettes à des variations saisonnières probablement liées aux modifications de son alimentation. La glycémie de Psammomys augmente en automne et au printemps alors que son pancréas produit plus d'insuline au printemps et en hiver. L'insuline plasmatique varie comme la glycémie sauf pendant l'été ou un taux élevé d'insuline plasmatique est associée à une glycémie faible. Cette hyperinsulinémie saisonnière ne varie pas si on réduit la quantité de nourriture disponible pour l'animal.

Au niveau pancréatique, on ne constate pas de variations dans le nombre de cellules à insuline, glucagon ou somatostatine. Cependant, la densité volumique de ces cellules indique que leur activité augmente respectivement de 50, 32 et 15 %.

Le Psammomys Obesus est une gerbille adaptée à un environnement désertique, dont l'organisme réagit à la disponibilité variable de nourriture par des contrôles endocrines spécifiques. Ces variations physiologiques saisonnières ne se retrouvent pas seulement au niveau pancréatique et plasmatique mais aussi au niveau intestinal (Buret, 1993), reproducteur (Gernigon, 1994) ou central (Amirat, 1993). Ainsi, le diurèse du psammomys est réduite, ainsi que ses pertes en sodium: cet animal présente un faible taux de facteur natréurétique atrial (comparé à un rat ratus norvegicus), retrouvé également chez Meriones libycus , autre gerbille vivant dans un environnement semblable (Lacas & al., 1998).

Par conséquence, toute étude utilisant cet animal doit prendre en compte sa physiologie particulière, à savoir son adaptation à un biotope ou l'eau et la nourriture sont rares.

On peut également noter que cet animal, surtout en afrique de l'Est, est un vecteur de parasites (Paily & al., 1999) et ,éventuellement, de virus (Hammami & al., 1999).

Un diabète NID induit par un régime alimentaire hypercalorique

Soumis à un régime standard pour rat de laboratoire (biscuits M25 d'Extralabo), 40% des animaux deviennent obèses et développent les symptômes d'un diabète non insulino-dépendant à partir du 3ème mois de régime. Les 60% d'animaux restants ne présentent pas de diabète mais restent obèses avec des taux élevés d'insuline plasmatique. Ce diabète d'origine "alimentaire" se retrouve chez des populations humaines qui sont passées d'un mode de vie ou la nourriture était assez rare, ou peu énergétique, à un mode de vie "occidental" ou les calories sont disponibles en abondance. C'est ainsi que 40% également de la population des indiens Pima dévelloppent un diabète de type II.

Il a été montré qu'il existe deux souches génétiquement différentes de psammomys qui ne présentent pas les mêmes réactions vis à vis d'une alimentation riche en énergie ( E. Ziv & al., 1997): certains animaux sont sensible aux diabète, alors que d'autres y résistent (au cour d'une capture, les deux types d'animaux sont présents, ce qui expliquent les pourcentages moyens précédents).

Il faut noter que dans son milieu, l'appartenance à une de ces deux souches différentes ne confère pas apparemment d'avantage évolutif: la nourriture étant peu énergétique, aucune pression de sélection ne s'exerce sur ces animaux sur la base de leur sensibilité au diabète. Dès lors, des mutations peuvent s'accumuler, formant des gènes adaptés à une alimentation peu énergétique, qui rendent certains animaux incapables de supporter une alimentation riche: muettes dans leur milieu d'origine, elles se révèlent en laboratoire et ont pour conséquence insulino résistance, leptinorésistance et diabète NID.

Il est également possible d'augmenter le pourcentage des animaux développant un diabète en réalisant un élevage recevant une alimentation hypercalorique en permanence (Duhault, 1997): les animaux nouveaux nés obtenus dans ces conditions développent quasiment tous un diabète.

Le rat des sables sensible répond à l'augmentation de l'énergie apportée par son alimentation provoquant une surcharge calorique par un accroissement de son poids corporel dû à une augmentation de la taille des adipocytes ou cellules graisseuses, une hyper insulinémie et une intolérance au glucose à différents degrés. On peut distinguer 4 stades successifs lors du développement de cette pathologie diabétique:

L'effet du régime hypercalorique sur l'installation du diabète est réversible jusqu'a un certain point. On peut ramener l'animal à une situation normale en diminuant fortement sa ration alimentaire, mais seulement dans l'intervalle de temps qui précède la destruction de ses cellules B par apoptose! (Bar-On & al., 1999)

Par contre, au-delà de 6 mois de régime, quelques animaux qui ont développé le diabète présentent une forte chute pondérale, les taux d'insuline plasmatique diminuent fortement et celui du glucose plasmatique augmente. Ces rats des sables développent un diabète insulino-dépendant constituant la dernière phase de la maladie. Certains psammomys peuvent alors tomber dans un mortel coma acido-cétosique.

Certains auteurs (Juneja & al., 1999) considérent que l'existence d' une auto immunité confère des caractéres particulier au diabète de psammomys, qui serait alors de type "1,5", mélant des caractéres des types 1 et 2. Cette approche semble demander davantage d'investigations, car ce type mixte de diabète est observé surtout chez l'homme.

Bien que le psammomys puisse s'en rapprocher, au vu des éléments actuels, je considérerai que le psammomys développe bien un diabète majoritairement de type 2.

Un métabolisme profondément modifié par l'état diabétique

Une insulino résistance potentielle

L'étude des mécanismes moléculaires de l'insulinorésistance a permis de mettre en évidence les particularités qui expliquent la sensibilité du Psammomys à son alimentation. Le psammomys présente une faible densité de recepteur insuliniques au niveau hépatique et musculaire. C'est là une conséquence logique de son adaptation à un milieu ou la nourriture est peu abondante et pauvre en calories. C'est l'Hypothèse du "géne d'économie alimentaire" ("thrifty gene") présenté par E. Shafrir.

Si l'alimentation de l'animal devient plus énergétique, ses rares recepteurs insuliniques deviennent moins efficaces (Shafrir & al., 1998): des protéines kinases fortement exprimées phosphorylent les acides aminés sérine et thréonine de la sous unité b du récepteur, ce qui diminue fortement son activité tyrosine kinase et donc l'influence de l'insuline fixée sur son recepteur: l'animal devient insulino- résistant.

Un pancreas particulier

L'étude du pancréas de Psammomys a révélé certaines particularités. Ainsi, les cellules des îlots de Langerhans des animaux hyperinsulinémiques et hyperglycémiques (stade 3) présentent une faible immunoréactivité pour l'IAPP et l'insuline (Leckstrom - 1997). Elle est cependant réversible si l'animal est alimenté avec une nourriture faiblement calorique. Les immunoréactivités à l'insuline et à l'IAPP sont liées et évoluent de concert en fonction de la richesse calorique de l'alimentation des animaux. La concentration plasmatique en IAPP n'est pas modifiée chez les animaux malades, mais après traitement au vanadyl sulfate, elle augmente fortement alors même que la glycémie et l'insulinémie de ces animaux sont normalisées, peut-être par un effet de feedback négatif de l'IAPP influant sur la libération de l'insuline.

De plus, chez le Psammomys hyperinsulinémique, une large fraction de l'insuline circulante est constituée de proinsuline et de ses dérivés. Cependant, la structure moléculaire de l'insuline et de ses dérivés sécrétés par Psammomys ne permet pas d'expliquer la pro-insulinémie et l'hyperglycémie des animaux malades (Kaiser - 1997). Ces produits proviendraient d'une superstimulation pancréatique qui affecterait alors les cellules B incapables de répondre à la demande en insuline induite par les taux circulant de glucose (Cerasi - 1997). Cet effet glucotoxique a été obtenu et vérifié in vitro sur des îlots isolés de Psammomys alors qu'il n'apparaît pas sur des îlots isolés de rats. Cette réaction des cellules B serait due à un défaut de ces cellules, éventuellement d'origine génétique. (L'importance d'une insuline circulante efficace est montrée par l'administration régulière de doses modérées d'insuline à des patients souffrant de NIDDM, ce qui restaure une normoglycémie).

Il semble clair qu'il existe deux souches génétiquement différenciées de psammomys, dont l'une est sensible au diabète alors que l'autre y reste résistante. L'étude de la souche sensible montre que le métabolisme du glucose est fortement modifié au niveau des cellules endocrines pancréatiques: la phosphorylation du glucose y est multipliée par 4 ainsi que l'activité de l'hexokinase et de la glucokinase (Nesher & al., 1999). Cette souche présente donc une incapacité génétique à ajuster son métabolisme du glucose et sa sécrétion insulinique, en qualité (proinsuline sécrétée) et en quantité (insulinopénie) à une alimentation énergétiquement abondante.

Le diabète de type II tirerait son origine d'une incompétence des cellules B à répondre à une demande accrue de sécrétion d'insuline, et cette augmentation de la demande, conjugée à l'effet toxique de fortes concentrations plasmatiques en glucose puis à l'influence de l'accumulation de fibres amyloïdes autour des cellules, entrainerait la mort des cellules B et/ou la subsistance d'une population incompétentes de cellules B.

Un métabolisme "alimentaire" et lipidique modifié

Intensification de la lipogénèse

La lipogénèse dans le tissu adipeux blanc augmente chez les animaux hyper- insulinémiques et normoglycémiques (Lewandowski - 1998), la lipogénèse hépatique n'étant pas alors modifiée. Les animaux hyperglycémiques montrent une augmentation de la lipogénèse hépatique. Le tissu adipeux brun ne réagit pas à l'hyperinsulinémie ou à l'hyperglycémie par une lipogénèse modifiée. La lipogénèse n'est pas cependant la cause première de l'obésité de P.O., mais n'en est qu'une conséquence: son augmentation suit l'obésité mais ne la précède pas.

Leptinorésistance

La leptine est une hormone protéique produite par le "gène de l'obésité" ob connue chez l'Homme pour être associée à l'insulino-résistance (Leyva, 1998). Ce gène s'exprime chez le psammomys au niveau des adipocytes seulement (il est d'ailleur stable puisque sa séquence est homologue à 90 % au même gène murin et à 79 % au gène ob humain - Walder & al., 1997). La leptine influe sur la balance énergétique: elle se fixe sur des recepteurs hypothalamiques et déclenche normalement des réactions d'inhibition de la prise alimentaire.

Le métabolisme du Psammomys insulino-résistant présente des réactions anormales en cas de jeûne (Walder - 1998). Après un jeune de 24 h, le taux plasmatique de leptine reste non seulement élevé chez le Psammomys insulino-résistant et obèse mais augmente de 18% alors que chez l'animal normal ce taux décroît fortement (- 44%). Pendant ce jeûne, la glycémie, l'insulinémie et le poids corporel ne varient pas.

Ce comportement anormal vis à vis de la leptine se retrouve chez l'animal normal: celui ci n'est sensible qu'a de fortes doses de cette molécule, laquelle se révèle n'exercer aucun effet sur les animaux obéses diabétiques (Walder & al., 1999). Ceci explique le peu d'effet de la sécrétion accrue de leptine constatée chez le psammomys obsése diabétique.

Le Psammomys apparaît donc posséder une tendance à la "leptinorésistance", ce qui peut être relié à l'hypothése du "géne économe en énergie" de Shafrir: dans ses conditions de vies normales, la pauvreté de l'alimentation de l'animal rend inutile une forte sensibilité à une molécule qui a pour principal effet de limiter la prise alimentaire !


Idées folles & Questions ouvertes:

 

Toutes les gerbilles adaptées à un environnement désertique présentent elles les mêmes caractéristiques métaboliques que psammomys ? (ainsi, la gerbille de Mongolie est un autre modèle animal de DNID).

Puisque le métabolisme de cet animal subit des variations saisonnières, les captures en milieu naturel à une seule époque ne constituent elle pas une source d'instabilité des résultats obtenus ? Un élevage donnerait alors des résultats sinon plus précis, du moins plus reproductibles. Des résultats satisfaisants ont été obtenus en ce sens. La capture des animaux sauvages doit donc à mon sens être considérée comme un pis aller.

Existe t'il des souches de psammomys "diabétorésistantes" ou au contraire plus sensibles que les autres ? En d'autres termes, quid de la variabilité génétique de l'insulinorésistance caractéristique de psammomys ? Peut on observer des transmissions héréditaires à ce niveau? Peut on développer et fixer une souche particulièrement intéressante ? E. Ziv et son équipe ont ainsi caractérisés deux souches différentes de psammomys qui ne présentent pas la même réponse pancréatique au glucose. Il serait intéressant de caractériser les différences entre ces deux souches à l'échelon moléculaire.

Et si... le diabète NID était une maladie infectieuse cachée ? Ou une maladie déclenchée par une anomalie moléculaire de type prion ? (l'expression incorrecte de gènes de la cellule B aboutissant à son autodestruction au terme d'un procédé autocatalythique qui pourrait, pourquoi pas, être exporté par vois sanguine au niveau d'autres organes...)

Peut on concevoir, par génie moléculaire des molécules insulinomimétiques plus efficaces que l'insuline et plus facilement administrables (par voie orale en particulier) ? Peut on créer des Psammomys transgéniques dont on augmenterait, par exemple, le nombre et l'efficacité des récepteurs insuliniques ?

Vos idées, vos commentaires: envoyez moi un mail!

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REFERENCES

 


ANNEXES

Characterization of the unusual insulin of Psammomys obesus, a rodent with nutrition-induced NIDDM-like syndrome.

Kaiser N, Bailyes EM, Schneider BS, Cerasi E, Hutton JC and Gross DJ.

Diabetes 1997, 46:953-957

Psammomys obesus fed on a high calorie diet develops a NIDDM-like syndrome. The use of reversed-phase HPLC, to study Psammomys insulin biosynthesis and release revealed a very delayed elution time for the Psammomys insulin peak appearing near the position of human proinsulin. This unusual peak was initially thought to represent aberrantly processed C-terminal extended (Arg)-Arg-insulin on the basis of its molecular size and susceptibility to trimming by carboxypeptidase B (CpB). However, the finding of an active carboxypeptidase E enzyme in Psammomys tissues was inconsistent with aberrant insulin processing. Moreover, amino acid sequencing of the delayed peak of Psammomys insulin revealed fully processed insulin with amino acid sequence as predicted by the cDNA. Thus, an increase in the hydrophobicity of the insulin molecule due to the unique presence of B-30 Phe probably underlies the delayed elution time. The peptide obtained following CpB treatment was Psammomys insulin lacking the B-30 Phe residue, removed by the residual carboxypeptidase A activity which invariably is present in most commercially available CpB preparations. The unusual structure of Psammomys insulin does not appear to contribute to the proinsulinemia and/or the hyperglycemia observed in diabetic Psammomys, since the HPLC-purified molecule did not inhibit PC1 and PC2 convertase activities in an in vitro assay.