DIALOGUE SUR LES DEUX PLUS GRANDS SYSTEMES (SCOLAIRES) CELUI DE P. DAGO ET CELUI D'A. RCHEO

Dernière mise à jour le 28/1/2007
Par Gali Neo

Note à l'usage des professeurs de lettres: soyez indulgents, mon orthographe, quoique meilleure que celle de mes élèves, est loin d'être parfaite! Je corrigerais au fur et à mesure ce texte pour qu'il soit plus conforme aux canons des mânes de Vaugelas!

Chapitre 1: de l'apprenant

La scène se passe dans l'académie, P et A viennent d'assister à un indispensable autant qu'obligatoire stage de formation "intensification de la pulsion épistémophilique de l'apprenant: de l'utilité des processus de remédiation basés sur la pédagogie du contour" donné par l'Internationale Universitaire de Formation Métapédagogique.

P/ Ainsi, le système scolaire tout entier, centré sur l'apprenant, vise en premier lieu à sa réalisation en tant qu'individu...

A/ Je préférai le terme d'élève, il me semblait mettre en lumière la nécessité d'un travail d'élévation de l'enfant d'un stade inférieur de connaissance vers un stade ultérieur, il s'apparentait davantage à un cheminement sur les sentiers du savoir.

P/ Mes ces sentiers étaient par trop peu fréquentés: songe à quel point notre enseignement touche d'apprenants, d'horizons variés et de situations diverses! Qui plus est, cette notion d'élévation nécessaire suggérait clairement que l'apprenant n'était pas égal, mais inférieur à son professeur! Détestable exemple mettant en lumière une inacceptable discrimination cognitive!

A/ Il nous faut donc supposer, comme postulat, que l'élève est virtuellement au même niveau de connaissances que son professeur?

P/ Virtuellement, en effet, en tant qu'être humain, il est en situation de stricte égalité avec son professeur. Nos penseurs les plus éminents en viennent d'ailleurs à dire qu'il est regrettable que cette distanciation cognitive entre apprenants et appreneurs soit si grande, et ils seraient enclins à recommander l'engagement de professeurs certes moins savants, mais plus ouverts sur le monde merveilleux de l'enfance.

A/ Il s'agirait alors, si je ne me trompe, de remettre donc dans les classes les formateurs experts de vos académies, comme l'iufm?

P/ Certes non! Je ne pense pas que personne n'ai jamais proposé mesure si radicale! Les choses pratiques n'ont point assez évolué. Il s'agit simplement d'imposer la meilleure manière d'enseigner, et cela par une démarche toute empreinte de pragmatisme: nos méthodes s'imposeront non par la conversion des réactionnaires tenants des savoirs mais par leur éviction programmée du monde de l'éducation, celle-ci étant inéluctable au vu de leur avancée en âge...

A/ Ainsi la lumineuse efficacité de la construction des savoirs ne suffit pas à assurer son inaltérable pérennité ?

P/ Il en serait ainsi si tous consentaient à essayer nos méthodes, mais comme certains obscurantistes de ta trempe se refusent obstinément à envisager l'utilité et la supériorité de nos méthodes, nous les imposons...
A/ C'est en cela, justement, que je m'oppose: que vos méthodes d'activités individuelles, de construction des savoirs, de travaux thématiques où de recherche de conceptions initiales puissent être utiles, je n'en disconviens pas. Mais osez professer que ce corpus hétéroclite de pratiques souvent anciennes recouvertes par des philosophes verbeux d'un sabir new-âge puisse constituer l'unique voie menant à la réussite des apprentissages; je ne puis le croire! Quant à la méthode d'imposition, je serais bien heureux que tu me la décrives plus précisément, bien que, hélas, je pense la connaître...

P/ L'action de notre église est toute empreinte de notre efficacité coutumière: lorsque les impétrants se présentent dans nos académies, ils ne peuvent recevoir l'onction de notre hiérarchie qu'à la condition expresse d'adhérer et de pratiquer nos méthodes, faute de quoi ils ne peuvent être reconnus.

A/ Il s'agit là d'une conversion forcée, d'une adhésion obligatoire à une conception particulière de l'éducation, je dirais même à une ligne du parti toute empreinte de centralisme "démocratique", sous-tendu, si l'on creuse un peu, par une idéologie qui remplace le camarade peu présentable en ce siècle par le citoyen, cet être hybride ressorti des tréfonds de la révolution, sinon populaire et pédagogique, du moins française...

P/ Tu t'emportes en vain: peu nous importe en fait que l'adhésion à la doctrine soit réelle ou, pour certains réfractaires indécrottables dans ton genre, simulée: l'important est que l'apprenant soit pris en main selon nos préceptes qui, tout le montre, sont les meilleurs et les seuls à pouvoir conduire la masse croissante qui se presse dans nos collèges vers les diplômes qui sont son droit inaliénable... Le dogmatisme de l'approche frontale est, conviens-en, moribond!

A/ Outre que l'on pourrait à bon droit se demander de quel coté se trouve le dogmatisme, le fait de considérer un diplôme comme un droit accessible de facto à une fraction donnée d'une population, quelle qu'elle soit, me semble être la marque d'un profond mépris envers les individus que tu prétends former: croire que par les vertus miraculeuses de vos potions pédagogiques des "apprenants", considérés comme des entités aux possibilités intellectuelles identiques, vont progresser de concert vers l'avenir radieux sanctifié par le diplôme miracle me semble nier la notion même de l'individualité. Non, tous les élèves ne possèdent pas, pour des raisons variées, les mêmes possibilités intellectuelles. Le fond du problème me semble être que pour occulter ce fait qui ne s'accorde pas avec vos dogmes, vous niez l'importance des savoirs pour vous cantonner à la reproduction automatique de recettes permettant d'obtenir, par un simple jeu d'action-réaction, les résultats attendus à l'examen... C'est un gigantesque jeu de dupes, où l'on feint d'enseigner, les élèves d'apprendre et les examinateurs de sanctionner, pardon, d'évaluer: tout y est joué d'avance!

P/ Aucune importance, si cela permet d'accueillir dans nos collèges ceux qui, il y a peu, n'y auraient pas eu accès!

A/ Tu fais référence à une situation qui date d'un demi-siècle. Tes conceptions faussement humanistes ont conduit à l'élaboration d'un mythe égalitaire dans lequel l'individualité de l'élève est niée: d'égaux, ils sont devenus interchangeables, car les données qui permettaient leur différenciation, donc leur affirmation en tant qu'individu, sont justement combattues par les thuriféraires de ton système. La fin de la reconnaissance du mérite individuel signale la fin de l'importance prépondérante des valeurs de l'effort, du travail personnel, de la démarche individuelle au profit d'un salmigondis collectiviste privilégiant les "temps de travail" collectif, forcément plus prolifiques, selon ta doctrine, que la démarche individuelle. Certes, les chemins du savoir authentique sont ardus. Faut-il pour autant leur préférer des boulevards artificiellement tracés par lesquels on conduit des individus, certes nombreux, vers un but illusoire et des valeurs sommes toutes fallacieuses? Il me semble que le centre de notre enseignement, c'est avant tout les connaissances que nous devons faire acquérir.

P/ Que nenni! le centre, c'est l'apprenant et la méthode d'enseignement. L'alpha et l'oméga de notre difficile métier, c'est la méthode. Peut importe, au fond, le contenu puisque il est écrit que l'apprenant, justement, est ainsi dénommé pour signifier que sa tache est plus d'apprendre à apprendre que de disposer d'un savoir qui de toute façon sera sujet à révision, comme le cours de l'histoire des sciences nous le montre quotidiennement....

A / Ces propos sont certes conforme à la sainte doctrine qui prévaut en ces lieux, mais ne t'es-tu jamais demandé quel était leur niveau de pertinence? Prenons cette idée de l'apprentissage perpétuel. Avant d'apprendre à apprendre, ne serait-il pas nécessaire d'assurer l'existence d'un ensemble solide, d'un corpus inébranlable sur lequel l'enfant puisse asseoir ses futures certitudes et ses démarches plus ou moins personnelles? N'existe t il pas, pour chaque discipline , un quantum irréductible de savoirs, quelquefois seulement opérationnels, je te l'accorde, mais à partir duquel toute construction pourra être faite, mais ultérieurement ? Avant d'invoquer la nécessaire évolution des connaissances, ne faudrait-il pas prendre en compte les différents degrés de validité, de vérité des théories successives et convenir que nos élèves se situent, selon leur âge, dans ce que tes maîtres nommeraient un "champ épistémologique" bien défini et ne réclamant qu'un corpus limité mais suffisant? En d'autres termes, l'enseignement de la méthode peut elle et doit elle se faire sur les enfants avant qu'ils ne possèdent les connaissances de base ou bien doit-on d'abord construire pour eux des savoirs minimum avant que de vouloir expliciter leur émergence, voire les structures sous-jacentes de la construction des savoirs?

P/ La réponse à cette interrogation est bien connue: la savoir ne s'acquiert réellement que par la connaissance de sa structuration interne et de sa cohérence historique.
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A Et ceci est valable quel que soit l'âge de l'enfant, son niveau de maturation intellectuelle, et les compétences et connaissances qu'il doit acquérir?

P/ Tes questions me montrent combien tu es pris dans le piège de vielles erreurs et de valeurs illusoires et aujourd'hui dépassées: nous ne visons plus à faire acquérir des connaissances, vielles conceptions aboutissant à une détestable compétition, à une vision inégalitaire et à des pratiques discriminatoires au sein du groupe-classe, mais à former des individus se réalisant par eux même sous notre animation bienveillante, notre but, je l'avancerai même, n'est plus d'instruire mais d'éduquer, de former ce que Nietzsche aurait appelé le sur-humain, celui qui existe par delà l'homme et que nous amenons au jour!

A/ et quelle est cette entité qui bâtira notre futur?

P/ Le CITOYEN

A / !

P/ Avoue que tu ne songeais pas à cette indispensable dimension sociétale et à cette insertion sociale que nos méthodes modernes promeuvent avec une efficacité reconnue!

A/ J'avoue ne pas considérer que les périodes de notre histoire ou l'on s'apostrophait du nom de citoyen ait été marqués par une pratique intensive et excessive de l'idéal démocratique auquel tu te réfères. Quant à la construction d'un homme nouveau prêt à s'insérer dans un système politique donné, armé pour la construction de savoirs qu'il ne possède pas, dont l'acquisition et la réalisation sont remises aux lendemains qui chantent, et qui est persuadé de la supériorité du travail de groupe sur l'effort individuel, cela me semble plus relever d'une mythologie komsomolesque que d'une saine conception de l'individu...

P/ Il n'en reste pas moins que nos méthodes ont été développées pour contrer les insuffisances manifestes de la transmission frontale des savoirs, laquelle s'est révélée incapables d'intégrer les nouveaux publics que nous devons accueillir...

A/ Il me semble plutôt que c'est depuis que ces nouvelles méthodes ont été introduites que le désintérêt de tes "apprenants", particulièrement en sciences, va croissant! Quant à l'intégration de populations nouvelles, elle me semble surtout relever du "parcours scolaire obligatoire" qui fait demeurer dans les collèges des élèves qui manifestement n'y ont pas leur place, n'y apprennent rien et ne sont présents que pour vivre une insupportable attente, dont le dérivatif est la perturbation ou la violence. On devrait également s'interroger sur l"'accueil", comme tu le dis, de populations croissantes qui ne maîtrisent pas suffisamment notre langue, et pour lesquelles toute amélioration est illusoire tant que ce problème ne sera pas réglé...

P/ C'est justement en cela que ton combat est celui d'une vielle garde déclinante: nous considérons que ces populations, même quasiment illettrées, possèdent de par leur seule existence un droit inaliénable à l'enseignement secondaire.

A / Ainsi, vous avez instauré la primauté du droit collectif sur l'effort et le mérite individuel. Le fait que vos apprenants ne soient plus que des présents, qu'ils ne constituent en fait que des neutrinos pédagogiques traversant l'espace du collège sans interagir le moins du monde avec lui ne vous pose aucun problème?

P/ Ce manque d'interaction n'est causé que par des attentes qui ne correspondent pas à ces nouveaux publics. Il nous suffit de modifier nos attentes, nos pratiques, afin de les intégrer harmonieusement dans la communauté des actants de l'éducation! Ainsi, tu ne saurais disconvenir que nos méthodes expérimentalistes ont permis de rénover l'enseignement des sciences?

A/ Je ne disconviens pas de l'intérêt de certaines approches pédagogiques, de la prise en compte des difficultés et des conceptions de l'élève, mais ces pratiques, que certains tendent à nous faire passer pour des nouveautés conceptuelles extraordinaires, sont déjà au coeur des idées de Bachelard, par exemple, depuis le début du siècle dernier! Il en est de même pour les attitudes de type "main à la pâte" qui, en dehors de leur intérêt, datent elles aussi des années 60! Ce qui me semble préoccupant, c'est que toi et les tiens avait fait de méthodes d'enseignement répondant à des situations particulières un dogme protéiforme censé apporter remédiation à tous les problèmes, dans toutes les situations: progressivement, nous subissons un totalitarisme pédagogique qui, alors qu'il se gargarise d'évaluation et de remédiation, se garde bien de s'évaluer lui-même et ne remédie à rien!

P:/ il ne s'agit en aucun cas de totalitarisme: nos méthodes sont réellement les meilleures, aussi il est logique que nous cherchions, dans l'intérêt des enfants, à ce qu'elles soient appliquées.
A/: Il me semble que celui le mieux à même de juger de l'intérêt de l'enfant, c'est plutôt l'enseignant que des philosophes éthérés qui n'ont que de lointains rapports avec les personnes de moins de 60 ans... Notons aussi que la plupart de tes auteurs favoris présentent comme scientifique un discours essentiellement politique, artefactuel et ne se base que sur des conceptions pseudoscientifiques d'une confondante naïveté, le tout englobé dans un sabir technoïde constitué de concept entraîné hors de leur contexte par des gens qui ne les ont jamais compris. L'indigence de la conception se camoufle derrière le voile du langage. Justement, à ce propos, c'est au niveau de l'apprentissage de notre langue que leurs résultats sont les plus alarmants! En effet, les tiens ont mis l'accent sur l'étude des structures internes de la langue au détriment de son usage et de son utilisation. Ils ont perdu de vue le fait que les heures d'enseignement ne sont pas indéfiniment extensibles, et que le temps perdu par des méthodes inadaptées ne se rattrape jamais. Ils ont réussi à transformer un livre en un recueil de phonèmes et d'éléments paratextuels, à faire de la lecture un exercice d'analyse lexicale, et à faire en sorte que les bibliothèques se transforment parfois en centre de recherches métatextuelles aussi pédants que déserts.

P/ Ce ne sont là que des difficultés passagères, causées principalement par les anciens modes de pensée.

A/ Je me demande quel est le mode de pensée le plus ancien, le plus archaïque. Doit on considérer, comme vous le faites, que nos élèves sont enfermés dans la caverne de Platon et qu'il ne s'agit pour nous que de les faire disserter interminablement sur les ombres de la connaissance, où doit-on les libérer et les conduire vers la vérité, quitte à les laisser faire seul la fin de la route, certes, mais en ayant au moins la satisfaction de les avoir autant que possible armés pour effectuer leur voyage.
P/ Nous partageons le même intérêt, mais mon école considère que la meilleure façon d'armer l'apprenant, c'est bien de le faire participer à la construction de ses savoirs. Cela permet d'injecter du sens dans les activités pédagogiques.

A/ Ce problème du sens, justement, me semble symptomatique de votre approche: vous considérez que les connaissances dispensées ne font pas "sens", c'est-à-dire qu'elles ne sont pas liées par les "apprenants" au monde réel, mais vécu comme des conceptions purement scolaires et utilitaires, permettant simplement d'obtenir une bonne note... Cela, en effet, peut être exact. Mais pour remédier à cette situation, vous proposez de renforcer la décontextualisation des savoirs, en faisant croire aux élèves qu'ils peuvent, par la magie du groupe, injecter du sens dans des savoirs qu'ils ne possèdent pas. Vous semblez croire qu'il est possible de disjoindre l'acquisition de la connaissance et son intégration dans la réalité, et vous renforcez cette "fracture épistémologique" par un sabir pédagogisant qui est censé "faire sens" pour l'élève, mais ne fait en réalité que l'éloigner davantage de ce qui devrait être son but: l'acquisition de connaissances. Ainsi, il devient impossible de rédiger une simple évaluation sans fournir à l'élève une "grille de lecture" censée lui mâcher le travail, justifier le moindre dixième de point obtenu et qui aboutit en fait à la création d'automatismes... Le résultat en est une parcellisation du savoir, une atomisation de la connaissance en fragments si minimes que, justement, ils en perdent tout sens: vous renforcez le processus que pensiez combattre!

P/ Cela n'est qu'une opinion due à ta vision passéiste des choses.

A/ J'aimerais bien que ce ne fut que cela, mais il est aisé de montrer le contraire: avez-vous évalué le gain réalisé par vos nouvelles approches par rapport aux pratiques plus anciennes ?

P Certains d'entre nous l'ont fait. Cependant, les résultats issus des deux modes d'enseignement ne sont pas directement comparables, et sont donc affectés de biais divers qui permettent d'en contester la pertinence. Nous ne considérons pas, en effet, que nos attentes soient comparables à celles du passé. Ne nous adressant pas, encore une fois, au même public, nous n'avons pas les mêmes attentes.

A Autrement dit, vos rares mesures n'ont pas donné les résultats indiscutables (et favorables) que vous escomptiez.
P: C'est que nous me mesurons plus les mêmes choses, et c'est justement un autre des points qui nous différencient...



Chapitre 2: de l'évaluation

La scène se poursuit sur le chemin menant au parking de l'Académie, P et A persistent dans leur philosophique jactance.

A / Et justement, cette évaluation, ou plutôt ces évaluations, que ton école semble multiplier de façon exponentielle alors qu'elle professe conjointement leurs limitations, voire leur inutilité; donnant là un bel exemple de schizophrénie pédagogique, que sont-elles censées mesurer ?

P/ De façon claire, elles doivent être une mesure de la motivation de l'apprenant citoyen.

A/ Sa motivation seulement ? Il n'est donc plus question de vérifier si des connaissances ont été acquises, des compétences actualisées, de savoir si le cours a été compris ?

P/ Vois comme ta conception est restrictive: tu me parles ici d'une ancienne conception de l'évaluation sommative, le "contrôle" de nos pères égarés dans l'élitisme et dans une reproduction endogamique des classes sociales. Le cours n'a pas à être compris, mais construit par le travail collectif des apprenants. Nos études docimologiques ont depuis longtemps démontré que toute notation ne pouvait être absolue, mais seulement relative à un appreneur et à un environnement pédagogique dont elle ne saurait être dissociée. L'évolution de ces conceptions a été si avancée qu'elle est pour nous un objet de légitime fierté.

A/ Ainsi donc, vos augustes émules des activités sociales qui se disent sciences ont découverts que toute mesure était forcément entachée d'imprécision ? Voilà une découverte qui les assure d'un immarcescible statut de titan intellectuel dans les cercles de ton école, mais qui aurait pu être mise au jour plus tôt si ils avaient connu un peu moins de rhétorique et un plus de physique, ou si ils avaient enseigné réellement une fois dans leur vie... Mais passons, je retiens surtout que puisque vous aviez démontré l'existence d'une partie de subjectivité dans les notations, vous en avez déduit que l'intégralité de ces dernières en était constituée, et qu'il était donc légitime de ne plus donner cours à la fonction certificatoire de la notation.

P/ Tu as bien compris! Dans le même temps, nous avons codifié les anciennes pratiques désuétes afin d'intégrer l'évaluation dans la démarche pédagogique, ce qui nous a amenés à recommander l'usage successif des évaluations diagnostiques, formatives, puis sommatives !

A/ Qu'en termes choisis ces choses-là sont dites ! A gloser ainsi on sent l'intelligence gonfler les voiles du discours; mais le vent aussi fait gonfler les voiles, et il me semble que ces mots ne font que travestir des pratiques tout à fait traditionnelles, et que seule leur interprétation a évolué... Car, dis-moi, avec toutes ces évaluations, quand trouver le temps d'enseigner?

P/ Mais enseigner, c'est évaluer, s'évaluer même !

A/ Ce qui explique sans doute pourquoi le temps d'enseignement comptabilisé par les puissants qui rédigent les programmes correspond si peu à celui dont nous faisons l'amère expérience dans la rude réalité des classes. Ainsi, les  opuscules colorés que des légions d'apprenants noircissent lorsqu'ils accèdent à un nouveau cycle n'ont d'autre but que d'évaluer l'enseignement qu'ils eussent dû recevoir si, justement, leur temps n'avait pas été envahit par les successions d'évaluations précédentes ? À coup sûr, il vaut mieux alors évaluer leur motivation que leurs connaissances, même si j'attends d'un de vos penseurs le moyen de dissocier ces deux entités, comme ils le font souvent dans leurs travaux.

P/ Je vois que tu te ranges, enfin,  à mes arguments !

A/ Ne triomphe pas si vite ! si tu mets tant l'accent sur la motivation, il me semble que c'est plus par diversion que par conviction! Cette obsession nouvelle permet en effet de modifier l'interprétation des résultats obtenus en modifiant a posteriori les attentes, et d'éviter les comparaisons de ce qui est avec ce qui fut ! Car enfin n'allez-vous pas jusqu'à, dans de sombres cénacles, modifier les chiffres obtenus afin que ces derniers collent à vos attentes ? N'allez-vous pas, lorsque la réalité s'invite, obstinée et impudique, au banc de vos rêveries éthérées, jusqu'à lui dénier le croit de s'imposer au prétexte futile que vos conceptions généreuses, car égalitaires ne sauraient souffrir de l'actuelle situation du contrat social ? N'êtes-vous pas devenus les chantres de l'évaluation politiquement correcte qui vise à désespérément rechercher la moindre trace écrite permettant de hausser votre vision de la réalité à celle de vos espérances, votre efficacité à la hauteur de vos mythes ?

P/ Il s'agit, comme tu le dis, de se montrer correct: pour te donner un exemple, nous considérons que, quel que soit son travail, il n'est pas correct d'évaluer un apprenant, être humain comme nous, à 2/20. C'est le démotiver et le dissuader de travailler que de l'accabler ainsi.

A/ Outre que je doute de l'intérêt apporté au travail par un élève obtenant ce résultat, dois-je te rappeler que ce n'est pas l'élève qui est évalué, mais son travail. Ta conception  revient à considérer que la qualité du travail fourni devient indépendante, dans une large mesure, de la notation obtenue. Par contre, elle est priée d'être conforme à l'idéologie en cours. Cette distanciation au réel ne me parait pas saine, car si elle ne berne que les appreneurs qui désirent l'être, elle conforte les élèves dans l'idée que le travail n'est qu'une quantité négociable et dépréciée, que leurs connaissances fragmentaires sont néanmoins suffisantes et surtout elle enterre définitivement la notion de mérite personnel.

P/ C'est justement un de nos buts : la disparition de cette notion archaïque de mérite personnel, qui n'existe pas: il n'est de mérite que social, pluriel, et cette notion de mérite n'est qu'un leurre t'empêchant de voir qu'un apprenant n'est que par trop l'héritier culturel de ses parents. N'as-tu pas lu "La reproduction" de Bourdieu, un de nos maîtres les plus vénérés ?

A/ Je ne connais que trop les contorsions pédantes de cet idéologue scientifiquement illettré, et surtout de ses séides qui distordent la réalité, voirent l'aident un petit peu, pour qu'elle ressemble un peu plus aux visions délirantes du grand gourou pédagogisant.

P/ Parles plus bas! Tu va finir au bucher, en ZEP où à tout le moins à l'Institut Marcel-Rivière, à La Verrière !

 A/ Et quoi ! Serait-il désormais honni d'oser dire qu'au nom du noble idéal de l'égalité entre les hommes, les spécialistes docimologiques en soient venus à préconiser l'égalité par la sainte moyenne, inaltérable dû à fournir d'urgence par solidarité humaine pour le moindre torchon portant trace écrite d'apprenant ? Serait il hérétique d'oser proclamer que les meilleurs, car il y en a, au-delà de leurs origines, ne devraient pas se sentir tenu de participer à l'inertie des masses apprenantes, mais devraient voir reconnu sans tergiversations égalitaristes l'intérêt de leur travail ?

P/ Non, de leur motivation.

A/ Il n'y a pas de travail sans motivation, mais l'inverse peut être vrai: il peut y avoir une motivation qui ne débouche sur aucun travail, par paresse ou par disproportion entre un objectif fantasmatique et les capacités réelles de l'élève. J'ose affirmer que ce n'est pas lui rendre service que de faire croire à un élève qu'il possède un niveau correct, ce qui est indiqué par ses résultats d'évaluations, alors qu'en fait il n'en est rien. Le contact avec le réel, quoique plus tardif, n'en sera alors que plus rugueux, voire douloureux pour les victimes de ce jeu de dupes lorsqu'ils découvriront, divine surprise, qu'il existe un monde au-delà des murs de l'éducation nationale, et que dans ce monde on ne se berce pas longtemps de l'illusion de l'excellence quant il s'agit d'affronter les nécessités de l'existence sensible.

P/ L'argent ! Voilà bien le conditionnement, le ressort secret de tes conceptions qui n'aboutissent qu'à fournir une main d'oeuvre docile aux puissances d'argent !

A/ J'ai bien l'impression, à t'entendre, que de nous deux le plus conditionné n'est pas celui qu'on pense. Et quand bien même si toute notre ardeur éducative n'aboutissait qu'a obtenir un minimum d'aisance financière pour le futur de nos élèves, je crois que la situation serait meilleure que celle que nous subissons actuellement, dans laquelle nous ne pouvons même pas assurer que notre action aura pour conséquence d'assurer à nos élèves un revenu minimal sans lequel il n'y a pas de liberté. Bien entendu, certains des tiens préfèrent sans doute un apprenant adulte assisté à un ancien élève travailleur, car il est plus facile de régner sur les esprits qui ont été conditionnés à subir le joug de la méthode sans savoir que de conditionner à une méthode ceux qui possèdent un savoir.

P/ Vision d'horreur ! Une école ne fournissant à la société que des travailleurs dociles !

A/ L'Histoire nous apprend que le travailleur n'est docile que dans l'imagination des tenants des totalitarismes, qui prennent plutôt naissance lorsque les travailleurs se font rare et les chômeurs nombreux. Mais laissons là ce discours qui siffle sur nos têtes, et revenons dans l'instant à nos évaluations: je te confirme que ceux qui professent docimologiquement la mansuétude la plus grande sont des bâtisseurs d'illusions dont nos élèves auront à souffrir.

P/ Peu importe à nos penseurs la souffrance des autres... Mais tu te focalises uniquement sur les résultats chiffrés de l'évaluation sommative: ce n'est pas l'essentiel! L'essentiel n'est pas dans l'évaluation, mais dans la méthode et son intégration ! La méthode est tout, les savoirs ne sont rien.

A/ Méthode sans savoir est conditionnement à la servitude, pas éducation à la liberté. Là gît le gouffre irrémédiable qui sépare nos conceptions: les tiens aiment la doctrine plus que la liberté, les miens pensent que seule la difficile instauration de la deuxième garantira le bon choix parmi les orientations de la première. Mais laissons cela : si tes "évaluations sommatives" attisent ma ire antipédagogiste, c'est que pour ce qui est de la formative, ce n'est qu'un terme nouveau recouvrant nos "exercices" anciens; quant à l'évaluation diagnostique, son usage semble se cantonner à la haute administration qui imprime force "livrets d'évaluation" nantis de nombreux items qui finissent, après quelques jours, par décorer somme toute pauvrement les sommets des casiers des appreneurs, sans doute volontairement éblouis par le volume papetier symbolisant ainsi l'intérêt de votre église envers les résultats de ses doctrines, mais signalant aussi par là même sa terrible conséquence: les mesures laborieusement effectuées ne se révèlent que d'une piètre utilité, car les résultats à obtenir sont, comme dans le meilleur des Gosplan, définis à l'avance et inexploitables au quotidien. Je connais peu d'appreneurs, qui, en dehors des visites de nos maitres vénérés, s'amusent à occuper leur temps avec des diagnostics alambiqués alors que dans le même temps ton "discours sur la méthode" leur refuse les seuls remèdes qui pourraient, parfois, se révéler utiles. Pis encore, l'efficacité de ces remèdes amers (le travail, l'effort, la mémorisation, l'application...) étant mise en doute, ils sont remplacés par la médecine douce des dispositifs de remédiation, lesquels semblent jouir d'une efficacité inversement proportionnelle au nombre de cas auxquels ils sont censés s'appliquer.

P/ Mais alors quoi ? Tu railles nos maîtres dans le seul but de te conformer au passé ? Penses-tu réellement que, pour paraphraser les tiens en quelques mots, avant, c'était mieux ?

A/ Qu'il est facile de jeter l'anathème sur les contradicteurs en les accusant de passéisme! Je critique l'attitude de ton église, aussi tu me rejettes illico dans un passé que les tiens ont reconstruit, d'après une histoire dont ils annonçaient la fin. Non, je ne défends pas toutes les pratiques du passé, mais une conception oubliée de notre rôle et du sens de notre action, qu'il faut nécessairement remettre en perspective en fonction des temps actuels, mais qu'il ne saurait s'agir d'oublier au profit des conceptions surannées d'idéologues inspirés d'un totalitarisme pédagogique, sinon, par le passé, politique, qui restera comme l'une des plus grandes faillites de la pensée. Contrairement aux tiens, je ne me veux pas constructeur de l'Homme nouveau, mais, plus modestement, précepteur de l'homme libre de demain.

P/ Et que fais-tu du camar.. du CITOYEN ?

A/ Aux oubliettes de l'histoire, avec Robespierre et Marat. Je préfère participer à la construction du civisme qu'au conditionnement du citoyen.

P/ Mais enfin, tu ne peux penser ainsi! Tu sais que, même si nos théories sont critiquables, nos résultats sont là: il y a davantage d'apprenants et, vaille que vaille, leur niveau monte!


Chapitre 3: du niveau

Arrivés au Parking, nos compères y retrouvent Simplicio, un évêque de l'académie, dont visiblement la voiture (une Traban) refuse de démarrer.

A/ Etant donné que toi et les tiens clamez perpétuellement que les outils permettant de mesurer le niveau des élèves ne sauraient être pertinent, je ne vois pas comment il serait possible d'affirmer que le niveau, si tant est que ce terme possède un sens, monte, descend ou gigote dans un sens ou dans l'autre.

P/ Je suppose que tu vas encore oser soutenir que nos méthodes pédagogiques sont responsables d'une baisse du niveau des apprenants, et qu'il faudrait revenir aux pratiques du passé pour corriger le tir ?

A/
Sapiens nihil affirmat quod non probet. Je ne m'avancerai pas à une telle affirmation, qui montre, sois dit en passant, à quel point la dialectique des pégagochistes, tes frères, est toute empreinte de nuance et de subtilité: qui n'est pas avec vous est un irrémédiable réactionnaire nostalgique du temps des colonies... La réalité est toute autre: j'ai l'impression, ce qui n'est pas une affirmation, que le niveau scolaire des élèves varie fort peu, et qu'il est toujours le reflet d'une époque et de ses valeurs.

P/ Mais enfin, les apprenants, plus nombreux, sont meilleurs qu'avant !

A/ C'est raisonner sur le nombre, alors que je me base sur l'individu: personne ne peut contredire le fait que l'expression écrite, le vocabulaire, ce que les tiens appellent la maitrise de la langue, offre une dégradation constante. Par contre, force est de constater que les élèves d'aujourd'hui se voient, en sciences par exemple, proposé d'intégrer des savoirs qui, il y a peu encore, étaient réservés aux spécialistes dans les universités.

P/ La langue autrefois mieux maitrisée, c'est un fantasme !

A/ Alors ce fantasme s'incarne à chaque évaluation, à chaque étude, à chaque modification des programmes visant à éliminer sous un jargon techniciste apte à esbaudir le manant toute ambition de transmettre une langue dont les difficultés ne peuvent être ni justifiées ni négociées, mais acceptées.

P/ C'est justement pour cela que nous oeuvrons: dépasser le stade purement mécanique pour donner du sens aux apprentissages !

A/ Donner du sens au vide ! Car je l'affirme tout de go: l'effroyable naufrage qu'on provoqué vos méthodes dans l'apprentissage de la lecture, par exemple, se retrouvera demain dans les autres domaines où l'on subordonne les savoirs nécessaires à une méthode désincarnée.

Simplicio, ne pouvant démarrer, se rapproche de nos deux compères

S/ Vous me sembler fort véhéments, mon ami, pour critiquer ainsi nos démarches. Ce n'est pas la première fois que je vous entends ainsi, et vous devriez vous montrer bien plus circonspect au lieu de vous réfugier dans une stérile opposition: nos pédagogues officiels, puits de science infuse, nous ont donné LA vérité, LA méthode officielle, imprimés dans l'airain de nos textes: vous vous devez d'obéir sans faille, sans remords et regrets à cette injonction, sous peine d'excommunication.

P/ (
courbé en deux) Que vos excellences excuse mon trop vif confrère, ses piètres arguments ne peuvent tenir devant l'excellence de nos résultats.

S/ Quels résult... C'est vrai ! Il ne faut pas revenir sur LA vérité écrite dans nos instructions. Elles sont à appliquer, pas à commenter!

A/ Et si les faits donnent tort aux écrits des doctes théoriciens des biens mal nommées sciences de l'éducation ?

S et P (
en coeur)/ Alors les faits se trompent !

A/
Asinus asinum fricat... et si les faits sont têtus ?

P/ C'est qu'ils sont négligeables. Seule compte la divine parole de nos grands pédagogues. Toi-même as reconnu qu'elle aboutissait à une augmentation du niveau en sciences.

A/ pas tout à fait: j'ai dit que des connaissances nouvelles et pertinentes étaient dispensées aux élèves, mais je me dois de préciser qu'à cause du manque de dextérité dans l'approche et l'usage de la langue, leur compréhension de ces phénomènes se trouve entravée, et ce d'autant plus que l'on désire, par la magie de la méthode, leur laisser croire qu'ils sont les constructeurs de leur savoir alors qu'ils ne sont souvent même pas capables d'effectuer cette construction par manque de bases plus que de bonne volonté.

S/ Vos propos sentent le fagot. Déjà hérétique, vous allez devenir relapse ! Je vais vous prouver la puissante efficacité de LA méthode. Voyez, j'applique celle-ci pour découvrir la cause de l'absence de réaction de ma voiture, qui refuse de démarrer.

A/ Je vous écoute.

S/ Cher ami Dago, rappelez-moi les principes de la méthode, et je vous l'illustrerais:

P (
ânonnant): Le choix de la situation problème et la levée des obstacles cognitifs...
A (
tout bas) / amen!

S/ Ici la situation problème est: pourquoi ma Traban refuse t'elle de démarrer ? Les obstacles cognitifs pourraient être ma totale ignorance de la mécanique automobile, mais cela est sans influence pour la suite, car grâce à notre méthode, nous sommes aptes à construire les savoirs et non à les recevoir de la divine providence.

A (tout bas, fredonnant du Mylène Farmer)/ Mais mon dieu, à quoi, je sers, peut être, à rien du tout....

P/ (récitant par coeur): appropriation du problème par les apprenants...
S/
ergo, mon problème est devenu votre problème...

P/ Formulation d"hypothèse, de conjectures ou de protocoles...
S/ Peut être n'ai-je plus de carburant ? Peut-être ai-je crevé ? Peut-être une influence anticinétique s'exerce sur mon auto ? Peut être manque t'elle d'impetus? Peut-être que sa vertu motrice s'est évaporée ? Peut être manque t'elle de phlogistique ? Peut-être que des apprenants facétieux ont collé mes roues, ou mis une patate dans mon tuyau d'échappement ?

P/ Investigation ou résolution de problème conduite par les élèves...

Nos deux héros (bof) examinent tout en parlant la voiture de Simplicio. Alors que P Dago examine méticuleusement les portières, les enjoliveurs, les rivets et les attaches des sièges, A Rkeo soulève le capot et trifouille un peu dans le moteur.

P/ Echange argumenté autour des propositions réalisées
S/ Echangez, échangez !

P/ jusqu'à présent, les éléments que j'ai examinés me semblent bons. Il n'existe point d'influence anticinétique puisque la voiture bouge en peu en la poussant...
A/ Et ce d'autant mieux que le frein à main n'est pas serré...

P/ Ce qui constitue bien une acquisition et structuration de connaissances
S/ Félicitations P Dago, vous aurez la hors-classe !

A/ (
goguenard)/ Et voici l'opérationnalisation des connaissances ! (il referme le capot, tourne la clef et la Traban démarre dans un bruit de casserole): sur ces modèles, l'huile fige à basse température, rendant le démarrage impossible si l'on ne réchauffe pas avec les mains certaines tubulures... c'est un défaut connu... nul doute que votre méthode serait arrivé au même résultat... dans trois ou quatre jours...

S (
dogmatique)/ LA méthode nous dit qu'elle seule peut nous conduire à la vérité. Ceci n'est, en aucune façon, concluant, et il nous faudra le rayer de nos mémoires.

A (
rayonnant, il désigne la Traban du doigt): et pourtant, elle Tourne !