Un monde de glaces et d'eau
septembre
2006 - résumé de la conférence
Découvert
par Galilée, le satellite de Jupiter Europe a été étudié
principalement au moyen des sondes spatiales Voyager et
Galileo. Les résultats obtenus ont permis de découvrir un
monde étonnamment lisse, recouvert d'une croûte de glace
parcouru de fractures mettant au jour des matériaux
profonds. L'étude de son orbite, son champ magnétique, la
détection de mouvements à sa surface et sa géologie
laissent penser que l'intérieur du satellite pourrait être
constitué d'un vaste océan à base d'eau liquide. Les
conditions de pression et température régnant, à une
profondeur très discutée, sous cet océan englouti peuvent
être compatibles avec l'apparition et le développement de
formes de vie inconnues.
Discovered by Galileo, the Jupiter's satellite Europe was
studied mainly by Voyager and Galileo space probes. The
results obtained made it possible to discover a
surprisingly smooth world, covered with a ice crust
traversed by fractures showing deep materials. The study of
its orbit, geology and magnetic field; the detection of
movements on Europa's surface let think that the interior
of the satellite could consist of a huge liquid water
ocean. The pressure and temperature conditions reigning,
with a very discussed depth, under this ice covered ocean
can be compatible with appearance and development of
unknown lifeforms.
Europe, satellite de Jupiter de la taille de notre Lune,
présente une surface claire où les cratères d'impact sont
rares, ce qui révèle une activité géologique importante,
datant de quelques millions d'années seulement, contribuant
à renouveler sa surface.
Plusieurs
types de reliefs parsèment Europe: des plaines très
étendues sont entrecoupées de bandes striées et, dans
quelques régions baptisées chaos, de nombreux blocs
fracturés sont visibles.
Les
plaines striées de sillons orangés s'étendent sur des
milliers de km. Elles présentent des structures similaires
à celles des banquises terrestres, les stries résultant de
la fracture d'une couche de glace comblée par des matériaux
plus jeunes remaniés par la suite. La répartition de ces
cassures indique une origine gravitationnelle liée aux
déformations internes induites par la proximité de
Jupiter.
Des
bandes striées, rectilignes, sont faites d'un ensemble de
plusieurs centaines de sillons parallèles. Ces reliefs
résulteraient d'une alternance de fractures et de
compressions successives de la croûte glacée solide, bien
que certains auteurs les comparent à des zones d'extension
(des rifts), ce qui pose alors le problème de la force
permettant la remontée de l'eau, moins dense, au dessus de
la glace.
Les
stries orangées ont pu être analysées lors de la mission
Galileo, et se révèlent composées de composés soufrés:
acide sulfurique, soufre et dioxyde de soufre. L'essentiel
de la planète est donc majoritairement composé de glace
d'eau contenant des composés soufrés formés par la
décomposition de l'acide sulfurique d'origine profonde par
les particules issues de la magnétosphère de Jupiter. Les
composés oxydants formés à ce niveau (et à l'origine des
traces d'oxygène détectées à la surface) peuvent être
entraînés dans les profondeurs du satellite et contribuer à
diminuer de moitié l'épaisseur de la couche solide (Hand
& al, 2006)
Les
chaos sont des étendues de quelques centaines de
Km2
fragmentées en plaques basculées dans une gangue
solidifiée. Ces plaques ressemblent à des icebergs
tabulaires terrestres, dont les différents morceaux sont
séparés par un matériau orangé. Ces reliefs résultent
probablement d'une activité «volcanique» à base d'eau, des
courants d'eau liquide remontant du manteau provoquant la
fonte de régions entières, la surface se brisant en
morceaux dérivant et restant mobiles tant que le froid
(-145°C) et le vide ne provoquent pas la solidification de
l'ensemble de la région.
Les
particularités de la surface d'Europe s'expliquent par
l'existence d'une grande quantité d'eau (ou d'une solution
aqueuse) d'origine profonde. L'examen des vues obtenues par
la sonde Galileo a montré qu'il existe une rotation
différentielle entre l'intérieur et l'extérieur d'Europe:
la croûte de glace externe glisse sur un matériau plus mou.
Les hypothèses des chercheurs se partagent entre un océan
liquide recouvert de quelques dizaines de km de glaces ou
un manteau de glace molle, sans présence massive d'eau à
l'état liquide. La densité d'Europe (3,05) est compatible
avec une épaisseur d'eau de 100 km recouvrant la surface
rocheuse. Toutefois, la morphologie des plus grands
cratères d'impacts ainsi que la tectonique des craquelures
de la surface laissent penser que certaines zones de
l'océan profond ne sont recouvertes que de quelques km de
glaces. Il est même possible que des poches d'eau se
forment transitoirement près de la surface. Les mesures du
champ magnétique d'Europe (Khurana &al., 1998)
indiquent que, si océan il y a, ce dernier devrait être
conducteur, donc enrichi significativement en matériaux
dissous. La base de cet océan serait une surface de
silicates recouvrant un noyau métallique de 800 à 1600 km
de diamètre.
Europe
n'aurait pu maintenir son intérieur à l'état liquide sans
l'intervention de la gravité de Jupiter qui, déformant
périodiquement le satellite, induit des forces de friction
créant de la chaleur à l'intérieur de ce dernier. Cette
chaleur interne serait évacuée par volcanisme à la base de
l'océan, l'émission de laves à 1000°C générant aussi, outre
un apport de composés soufrés (caractérisée sur d'autres
satellites de Jupiter) à l'origine de la teneur en acide
sulfurique observée à la surface, une chimie complexe. Une
activité géothermique similaire à celle des fumeurs noirs
terrestres est également envisageable. Des formations
lenticulaires rougeâtres identifiées à la surface du
satellite indiquent peut-être l'existence de panaches
mantéliques d'eau ou de glaces «chaudes » émergeant
périodiquement à la surface. En effet, des mouvements de
convections ont été mises en évidence sous la glace
(Pappalardo, 1998), confirmant l'existence d'une source de
chaleur profonde. Cette chimie géothermique pourrait avoir
abouti à l'évolution de molécules prébiotiques pouvant
déboucher sur d'inédites formes de vies (Figueredo &
al., 2003), plusieurs mécanismes pouvant même avoir oxygéné
l'océan profond. Certains résultats (Dalton, 2001) discutés
font d'ailleurs un parallèle entre les formations colorées
d'Europe et certains pigments d'origine
bactérienne.
Plusieurs missions spatiales sont programmées ou étudiées
afin de mieux comprendre cet étonnant monde de glaces et
d'eau.
Références bibliographiques
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Near-infrared detection of potential evidence for
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Pour la Science 268, 02/2000, 44-53